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85.Œil Gauche, Œil droit : Comment un Simple Mythe Peut Prouver l'Existence d'Échanges Culturels Répandus dans la Préhistoire

Photo du rédacteur: M CampbellM Campbell

Winged wedjat eyes on the coffin of Henettawy, tenth century BC, Wikimedia Commons
Winged wedjat eyes on the coffin of Henettawy, tenth century BC, Wikimedia Commons

Tout au long de l’histoire, l’humanité a cherché à expliquer le cosmos à travers des récits qui reflètent la façon dont les peuples anciens concevaient leur place dans l’univers. Parmi ces mythes et récits religieux, un motif spécifique et frappant apparaît dans des cultures très éloignées : l’idée que l’œil droit d’une divinité représente le soleil, tandis que l’œil gauche représente la lune. Ce thème mythologique commun, que l’on retrouve dans des lieux aussi éloignés que l’Égypte antique et les îles Gilbert du Pacifique, soulève des questions sur les liens culturels entre les sociétés anciennes. Un parallèle aussi précis pourrait-il être une coïncidence, ou indique-t-il une culture commune qui remonte à la préhistoire ?


Cet article explore ce motif, ses implications et la manière dont il remet en question les conceptions conventionnelles des échanges humains anciens.


1. Œil gauche, œil droit : un motif mythologique commun

eye of ra
Bracelet of Sheshonq II with the Eye of Ra. 22nd dynasty. Egyptian Museum. photo by Tangopaso, Wikimedia Commons

La séparation du ciel et de la terre est présente dans presque tous les mythes de la création, partout dans le monde. Les corps célestes tels que le soleil et la lune sont presque toujours imprégnés de symbolisme divin. Ce qui est extraordinaire, cependant, c'est l'association constante de l'œil droit avec le soleil et de l'œil gauche avec la lune. Il ne s'agit pas d'un archétype générique mais d'une association spécifique liée à une figure divine, répétée dans des cultures très différentes. Il existe un thème répandu selon lequel un dieu primordial est déchiré et les différentes parties de ce dieu deviennent le soleil, la lune, les rivières, les montagnes, la pluie, etc.


Dans les îles Gilbert du Pacifique (aujourd'hui Kiribati), un mythe de la création raconte que Na Arean a tué son père, Na Atibu. Avec le consentement de son père, Na Arean a jeté son œil droit dans le ciel oriental, où il est devenu le soleil, et son œil gauche dans le ciel occidental, où il est devenu la lune.


Les habitants des îles Gilbert racontent que Na Arean tua son père, Na Atibu, avec le consentement de ce dernier, « prit l'œil droit de Na Atibu et le jeta vers le ciel de l'Est. Voici le soleil ! Il prit l'œil gauche et le jeta vers le ciel de l'Est. Voici la lune !(1)

 Dans la mythologie égyptienne antique, l'œil droit du dieu du ciel Horus représentait le soleil et son œil gauche la lune. Cette association est illustrée par divers objets, comme une amulette de la tombe de Toutankhamon, qui représente l'œil d'Horus sous un disque et un symbole de croissant représentant la lune. Le récit mythologique connu sous le nom de « Les luttes d'Horus et de Seth », un mythe datant des Textes des Pyramides de l'Ancien Empire (vers 2686-2181 av. J.-C.), décrit une bataille entre Horus et son oncle Seth pour le trône d'Égypte. Au cours de ce conflit, Seth a arraché l'œil gauche d'Horus, qui a ensuite été restauré par le dieu Thot. Cette restauration a été considérée comme une explication de la croissance et de la décroissance de la lune. Les Textes des Pyramides, datant de la fin de l'Ancien Empire (vers 2686-2181 av. J.-C.), font également référence au mythe de l'œil d'Horus arraché et restauré. Ces textes comptent parmi les plus anciens écrits religieux de l'Égypte ancienne et donnent un aperçu des premières croyances mythologiques. Bien qu'il existe différentes versions de ces histoires, ainsi que des histoires d'une déesse primordiale dont les deux yeux sont le soleil et la lune, ces textes et objets anciens illustrent le lien symbolique entre les yeux d'Horus et les corps célestes du soleil et de la lune dans la mythologie égyptienne.


L'importance religieuse des yeux de la divinité cosmique suprême pour les anciens Égyptiens est bien connue, et certaines circonvolutions et échanges entre les deux yeux et diverses interprétations cosmologiques sont bien attestées et reconnues, bien que peut-être moins bien comprises. Pour les anciens Égyptiens, le soleil et la lune pouvaient représenter respectivement les yeux droit et gauche de la divinité suprême. L'œil gauche lunaire peut apparaître comme l'œil d'Horus, l'œil droit solaire comme l'œil de Rê. L'œil solaire et l'œil d'Horus peuvent tous deux être l'œil vengeur qui tire des flèches de feu sur les ennemis de la divinité solaire ;(2)

En Égypte et dans les îles Gilbert, l’œil gauche devient la lune, l’œil droit le soleil. Il est difficile de considérer ces correspondances précises comme une simple coïncidence. Il ne s’agit pas simplement d’associer des corps célestes à des dieux ; il s’agit d’un symbolisme structuré et en miroir de la gauche et de la droite, du soleil et de la lune. Ce motif spécifique suggère un cadre conceptuel commun qui transcende la géographie.

Ceiling relief in the Temple of Dendera, Egypt, photo by Olaf Tausch, Wikimedia Commons
Ceiling relief in the Temple of Dendera, Egypt, photo by Olaf Tausch, Wikimedia Commons


Le dualisme de l'œil gauche et de l'œil droit, et leur correspondance avec la lune et le soleil respectivement, se retrouvent ailleurs dans le monde antique. Dans la cosmologie hindoue, en particulier dans l'Atharvaveda, il existe une représentation de l'être primordial connu sous le nom de Vratya (une forme ascétique du Seigneur Shiva) où l'œil droit est associé au soleil et l'œil gauche à la lune. Cette association est détaillée dans l'Atharvaveda (Livre 15, Hymne 18), qui stipule :


De ce Vratya, l'œil droit est le Soleil et l'œil gauche est la Lune. (3)

Cet hymne met en corrélation d’autres parties du corps du Vratya avec des éléments cosmiques, soulignant l’incarnation de l’univers dans cet être primordial.

Pangu
Pangu, Wikipedia Commons

Dans la mythologie chinoise, notamment dans les mythes de la création influencés par le taoïsme, le géant primordial Pangu est au cœur de la formation du monde. À sa mort, diverses parties de son corps se sont transformées en éléments du monde naturel :


 Son œil gauche devint le soleil et son œil droit devint la lune.

Ce récit illustre l'association directe des yeux de Pangu avec le soleil et la lune, intégrant le cosmos à sa forme corporelle.


Au Japon, cependant, il existe une variante : la déesse du soleil naît alors que l'« Homme qui invite » se baigne dans un ruisseau, et alors qu'il le fait, des esprits jaillissent de ses vêtements et de son corps. Mais ici, les côtés ont été inversés : la déesse du soleil Amaterasu Omikami (le Grand Esprit d'Auguste qui brille dans le ciel) naît alors qu'il se lave l'œil gauche, et le dieu de la lune Tsukiyomi-no-Mikoto (son Auguste possesseur de la nuit de lune), alors qu'il se lave l'œil droit. (4)

L'image ci-dessous est une capture d'écran de Google Earth montrant les quatre endroits sur terre, du mieux possible, où le motif de l'œil gauche et de l'œil droit existe dans les mythes de la création : l'Égypte (juste cachée à la vue), l'Inde, la Chine et les îles Gilbert.

Lieux où le Soleil est l’œil droit, et la Lune l’œil gauche

2. Implications : Preuves d'échanges culturels anciens


Les implications de ce motif commun sont profondes. Si des cultures aussi éloignées géographiquement que l'Égypte et les îles Gilbert partagent cette structure symbolique, cela suggère la possibilité d'un échange culturel préhistorique. Bien que les mécanismes exacts de transmission restent spéculatifs, l'existence de ce motif soutient l'idée d'une origine culturelle commune ou d'une diffusion à longue distance des idées.


Cette théorie prend encore plus de poids lorsqu'elle est comparée à d'autres similitudes mondiales :


  • Construction mégalithique et pyramidale : des structures monumentales en pierre apparaissent sur tous les continents habités au cours du Néolithique et du début de l'âge du bronze. Ces structures partagent souvent des techniques architecturales et des alignements avec des événements célestes.


  • Mythes de la création de la séparation : de nombreux mythes de la création décrivent une union primordiale du ciel et de la terre, séparés par une force divine pour créer le monde ordonné (par exemple, Nut et Geb égyptiens, Rangi et Papa maoris et Anu et Ki mésopotamiens).


  • Divinités démembrées : Le motif du corps d’un dieu devenant des éléments du cosmos (par exemple, Purusha dans l’hindouisme, Pangu dans la mythologie chinoise) s’aligne sur le mythe des yeux divins devenant le soleil et la lune.


Ces parallèles pointent collectivement vers un monde préhistorique bien plus interconnecté qu’on ne le pense généralement, où les idées et les pratiques traversaient les océans et les continents bien avant l’histoire écrite. Il existe des preuves directes de contacts transocéaniques préhistoriques. Par exemple, les similitudes entre les langues austronésienne et malgache suggèrent des connexions maritimes préhistoriques. Les parallèles mythologiques fournissent des preuves supplémentaires, soutenant l’idée d’un ancien réseau d’échanges culturels qui a laissé son empreinte sur la narration humaine.


Conclusion : réimaginer la préhistoire


Officiellement, en termes généraux, il n’y a aucun lien entre les mégalithes des Amériques, du Nord et du Sud, de Tonga, Rapa Nui et d’autres îles du Pacifique, d’Asie, d’Afrique et d’Europe, et d’autres îles éloignées comme les Açores. Il n’existe pas non plus de lien officiellement accepté entre les pyramides de pierre construites sur tous les continents. Il n’existe pas non plus de lien entre les mythes de la création selon lesquels le ciel et la terre se sont séparés d’une masse d’eau chaotique ou d’un œuf cosmique pour former un ciel et une terre ordonnés. Cependant, les nombreuses coïncidences dans les styles architecturaux, les techniques et les mythes de la création suggèrent qu’il y a eu des échanges à l’échelle mondiale, avant que les documents historiques ne commencent. Les détails des mythes de la création peuvent à eux seuls le prouver facilement, en observant les yeux de la divinité primordiale ou de sa progéniture. Le motif de l’œil gauche et de l’œil droit comme la lune et le soleil est plus qu’une curiosité mythologique, c’est une clé pour comprendre l’interdépendance des sociétés anciennes. Sa présence dans des cultures aussi éloignées que l’Égypte et les îles Gilbert remet en question le récit traditionnel du développement isolé et nous invite à imaginer un monde préhistorique où les idées, les symboles et les histoires ont parcouru de vastes distances. Si des mythes comme celui-ci ont pu traverser les océans, alors les constructeurs de mégalithes et de pyramides le pouvaient aussi. Si les archétypes généraux peuvent expliquer des motifs généraux comme le soleil et la lune liés aux divinités, ils ne parviennent pas à rendre compte de la spécificité de l’association gauche-droite, soleil-lune. Les archétypes sont des motifs généraux, mais ce motif reflète une association détaillée et structurée qui n’est pas susceptible d’émerger indépendamment sous une forme aussi précise.


Le principe d’invention indépendante soutient que des solutions similaires peuvent surgir à des problèmes similaires. Cependant, le motif mythologique de l’œil gauche/œil droit n’est pas une solution pratique à un problème ; c’est une construction symbolique. La spécificité répétée dans des cultures éloignées suggère un héritage intellectuel ou culturel partagé, plutôt qu’un développement isolé.


Cet héritage culturel partagé révèle une unité profonde et ancienne entre les sociétés humaines et appelle à une réévaluation de l’échange mondial d’idées dans la préhistoire. Loin d’être une ère d’isolement, le monde antique a peut-être été une ère de connectivité remarquable, un héritage que nous pouvons commencer à découvrir, si nous ouvrons les yeux.


Notes


  1. A. Grimble, 'Myths from the Gilbert Islands', Folklore, vol 5, cité dans Seidenberg, A. (1969). The Separation of Sky and Earth at Creation (II). Folklore, 80(3), 188–196. https://www-jstor-org.dcu.idm.oclc.org/stable/pdf/1257894.pdf?refreqid=fastly-default%3A36b84a40aa5ded4755414aa036f6998c&ab_segments=0%2Fbasic_search_gsv2%2Fcontrol&initiator=search-results&acceptTC=1

  2. Darnell, John Coleman. “The Apotropaic Goddess in the Eye.” Studien Zur Altägyptischen Kultur, vol. 24, 1997, pp. 35–48. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/25152728.

  3. Ralph T.H. Griffith,1895, Hymns of the Atharva Veda, at sacred-texts.com

    https://sacred-texts.com/hin/av/av15018.htm

  4. Campbell, Joseph, 1959, The Masks of God Volume 1

    https://archive.org/details/masksofgod0000camp/page/470/mode/2up?q=eye

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